Je suis une mauvaise femme de militaire
- Par lareflexiothecaire
- Le 04/08/2021
- Dans REFLEXIO FA MILI
- 6 commentaires
Oui, je suis une mauvaise épouse de militaire. Je crains complètement. Sur certains aspects, je vous jure, je ne suis pas du tout faite pour ça.
Vous voulez que je vous raconte pourquoi ?
1. Je ne m’intéresse pas trop à l’armée. Au début si, mais plus les années passent moins c'est le cas. À vrai dire, maintenir mon attention quand on m’en parle m’est excessivement pénible. Globalement, j’ai l’impression de devoir gérer suffisamment de désagréments sans devoir en parler H24.
2. Je ne suis pas toujours super positive au sujet de l'armée. Je ne vous raconte même pas quand il s’agit d’annuler un weekend ou autre. L’armée en prend pour son grade. Parfois, son engagement me pèse.
3. Oui, à un moment, je me suis intéressée aux enjeux géopolitiques mondiaux, disons que j’avais du temps libre... Mais franchement, c'est un sujet trop grave et complexe et surtout, je n’ai aucun pouvoir. Déjà, je ne peux même pas décidé de là où j’habite, alors les milices djihadistes au Mali … autant vous dire que... je me concentre sur ce que je contrôle.
4. Je suis nulle en acronyme. AMHA, trop c’est trop. Je suis nulle aussi en grade. Pour moi, un être humain est un être humain peu importe les barres sur l'épaule (surtout celle "du mari de"). On est tous dans le même bateau, pas la peine de taper dans les rames des autres.
5. J’ai déjà raté un appel de lui alors qu’il était en mission et difficilement joignable. J’avais mon téléphone sur silencieux et j’étais concentrée sur autre chose. J'ai du attendre qu'il me rappelle un autre jour ...
6. J’ai du mal à cacher mes émotions donc, si ça ne va pas, euh, ça se voit. C’est comme ça. J’accepte la même chose de sa part.
7. Niveau autonomie, j'ai pris du plomb dans l'aile ... Je l'ai rejoint au sortir de ma formation, ça l'a flinguée. Quand j'ai retrouvé un travail, ils se sont mis à exiger 3 ans d'expérience pour l'exercer. Certains des postes que j'ai occupés sont devenus des activités bénévoles (c'est pas drôle). Tout ce que j'ai fait ces dernières années, ne m'a strictement rien rapporté. Un célibat géo là-dessus et j'ai décidé de tout plaquer. Je me suis dit qu’à défaut d’avoir son père à la maison, mon fils m’aurait moi, dans un cadre verdoyant.
8. Je ne fréquente aucune femme de militaire. J'en ai jamais rencontré avec qui ça a collé au point de devenir amies. C'est pas faute d'avoir eu envie. Faut dire que j'ai croisé quelques hyènes, surtout en ligne.
9. Je ne sais plus entretenir les relations toute seule. C’est vraiment un truc que j’ai su faire avec talent pendant des années. Être celle qui appelle, qui propose, qui invite, qui facilite … mais non, maintenant faut que je sente que les efforts sont partagés. Donc, si une mutation nous éloigne des gens qu’on a rencontrés, je ne fais pas le travail toute seule.
10. Je ne me porte volontaire pour rien. D’ailleurs, on ne m’a jamais rien demandé. Sur Facebook, un jour j’avais lancé l’idée d’un site de solidarité entre familles, à organiser par département. J’ai récolté plus de 500 likes et ... finalement ... 3 inscriptions. J’ai compris que la grande famille de l’armée de Terre, c’était une légende.
11. Je suis capable de passer plusieurs semaines à écrire et lire pour créer un podcast gratuit pour les familles de militaire mais je ne sais pas tisser de liens en vrai. Je suis un peu sauvage et trop sensible. Donc je vis dans ma grotte, où mon ours est attendu chaque fois comme un roi.
12. Parfois, je vois sa carrière comme un obstacle. Surtout depuis qu'on a un enfant. Certes, quand il s’est engagé il ne pensait pas se marier, encore moins avoir un enfant. Mais je pense aussi que l’armée gagnerait beaucoup à s’orienter plus vers les familles et à les valoriser. Je considère qu'encourager ma reconversion en assistante maternelle et m'offrir un fascicule, c’est limite une insulte.
Je fais ce que je peux. Je ne suis pas la femme idéale. Je ne suis pas la parfaite petite épouse impeccable. Et c'est comme ça !
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Commentaires
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- 1. La dingo se soigne Le 12/10/2023
Alors, dans la digne lignée du premier commentaire, je voudrais simplement raconter une petite anecdote. Donc voilà je n'ai toujours pas fini mon doctorat mais pour des raisons administratives et de réorientation professionnelle, j'en ai débuté un autre. J'en suis à bac+15 et on m'a aussi proposé de devenir assistante maternelle - gloups, reprends un petit cachet et n'y pense plus.
J'ai été invitée à discuter avec un haut gradé un jour qui m'a lâché "OKLM" *Alors, être épouse de militaire, ça vous est venu comment comme vocation ?*
"Alors, je suis médecin, fille de médecin, et petite fille de médecin, je n'avais pas vocation à être la femme de qui que ce soit"
*Vous voulez dire que vous avez fait des études* le choc pour le vieux schnock....
Qu'est ce que vous attendre pour les familles de la part de l'armée ? À la rigueur ils vont chercher à notre apprendre à mieux faire la cuisine et à réparer les machines à laver.... C'est tout.-
- lareflexiothecaireLe 13/10/2023
Pas mal cette blague ! (glurp) Plaisir de vous revoir ici :)
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- 2. Une autre qui devient un peu dingo Le 24/05/2022
Merci pour cet article. J'avais déjà exploser franchement de rire en lisant un "3615mavie" (merci pour cette dose d'endorphines).
Mais là je suis désolée, ça va être le déversoir, il faut que ça sorte.
J'éprouve le même sentiment de malaise de dedans / dehors : dedans parce que mon mari est militaire, part souvent et longtemps en opex, et dehors parce que je ne viens pas d'une famille de militaires, je ne connais aucune des conjointes de ses collègues, je ne sais pas ce qu'ils font pour les familles, j'ai changé de région et je ne connais personne, je ne connais pas le jargon et j'essaie d'avoir une vie à côté.
Enfin une vie...je suis à quelques mois de passer mon doctorat et bim ! petit combo "post partum + départ en opex de 4 mois + charpente qui lâche+ préparation d'un procès + dépression". Monsieur qui rentre est un peu là mais encore beaucoup là-bas, puis il se reprépare à partir, et trois semaines plus tard, pouf, tu peux de nouveau péter sous la couette en faisant du bruit. T'es malheureuse comme la mort mais t'as quand même un bout de choux qui sourit et ça, ça remonte un peu le moral.
Mais en fait, c'est la solitude. Ton mec peut être un héro, les voisins le respecte lui, et ils ont pitié de toi. T'es seule et t'as pas le droit de te plaindre. Tu es maman, femme de ménage, maître d'ouvrage, juriste, courtier en mutuelle, secrétaire, comptable, tout en même temps, en plus de ton job. T'as aucune prime de risque de burn out et ta réorientation professionnelle pour cause de "conjoint militaire" n'est prévue dans aucun contrat de prévoyance, aucun arrangement possible dans les études supérieures.
Dans mon monde, personne ne comprend ce que c'est, voire le dénigre à grands coups de "tu le savais quand tu l'as épousé" (*gloups* Connasse) et de "oh ça va, c'est pas la guerre tout le temps quand même"( toi t'a rien compris...). Dans le sien, c'est pas mieux non plus, faut marcher avec un pied cassé, sauter en parachute avec une vertèbre fracturée, tu te soigneras plus tard, mais si t'es paraplégique, c'est ta femme poussera ton fauteuil.
Et va pas demander à ce qu'ils organisent un barbecue ou un pique-nique pour avoir une occaz de mettre la fameuse robe *trop joulie ma chérie* que t'as acheté compulsivement sur Vinted à 3h52 du matin parce que tu n'arrives toujours pas à dormir, de rencontrer du monde et te faire éventuellement des copines, discuter avec des couples équilibrés.. "oh tu sais mes collègues je les vois tout le temps, j'ai pas non plus envie de les voir le week-end".
A l'inverse, j'essaye de lui faire comprendre que si je dois renoncer à un job de cadre sup parce que mes contraintes professionnelles sont incompatibles avec l'épanouissement de notre progéniture en cas d'absence prolongée, il faudra qu'il accepte d'avoir des galons, de travailler plus longtemps. Mais "ça le branche pas trop". C'est sûr que ma vie de Conchita au lieu d'être toubib, ça me branche grave.
Avant je trouvais ça vraiment cucu quand des vieux gars montaient sur des estrades pour recevoir un prix quelconque, et remerciaient tendrement "Micheline", "Jacqueline" ou "Bernadette"," mon épouse dévouée sans qui rien n'aurait été possible", je croyais que c'était juste une politesse, maintenant j'ai la traduction "je remercie ma femme de m'avoir laisser faire mon truc dans mon coin en gérant tout le reste, personne d'autre en te dira merci : aucun des malades qui sera guérit par le traitement que j'ai trouvé, aucun passager transporté par cet avion que j'ai piloté, aucun enfant de ce village assiégé qui a été libéré ne te dira merci et le bordel qu'est devenue ta vie n'intéresse personne. Ton pays ne te remettra jamais de médaille publiquement pour ton abnégation, ton nom n'apparaitra jamais associé à quelque chose de bien ou de cool, mais bon maintenant on va se payer une baraque à la mer et vivre comme des vieux cons, enfin non, pas une baraque mais un mobile home, ça te va? Je t'aime. ".
Merci d'offrir cet espace d'expression, parce que je passe vraiment la pire année de toute ma vie. C'est un peu dur là. Je vais reprendre un granola.-
- lareflexiothecaireLe 03/07/2022
Quel bonheur étrange de vous lire ...
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- 3. Emilie Le 10/09/2021
Merci pour cet article. Je me sens moins seule. Je suis pas la candidate idéale. Quand on s’est rencontré s’il m’avait dit qu’il ferait missions, sentinelles, opex et j’en passe (en étant réserviste) je me serai sauvée en courant. J’ai beaucoup de mal à accepter de devoir mettre ma carrière au second plan car il est très pris par ses différentes missions.-
- lareflexiothecaireLe 10/09/2021
C'est vrai que froidement, on prendrait d'autres décisions ... mais après il y a le coeur et ses raisons
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