Ma plongée en parentalité bienveillante

On est en 2021 et voilà plus de 8 ans que je compile dans mes carnets les réflexions qui me venaient au sujet de l'éducation bienveillante et de la parentalité telle qu'elle est représentée aujourd'hui, au travers des réseaux sociaux, blogs et autres supports. Quand je vous dis que j'ai un problème de procrastination... D'ailleurs, en fait, cette parentalité, qu'en dire...

Je vais me concentrer sur l'éducation positive/bienveillante/éclairée/4.0 ... Si vous avez le culot de la critiquer : on vous renverra que c'est de votre faute, que vous aviez des attentes trop élevées, pire, que vous n'avez pas réussi à comprendre le principe (sous-entendu : bécasse que vous êtes). J'avoue que je n'ai jamais osé me prononcer publiquement sur le sujet par peur des jugements, auxquels je fus malheureusement très sensible. Au fil des années, j'ai remarqué que beaucoup ont osé. Et comme j'ai le cuir un peu plus épais désormais, je me sens prête.

J'ai rencontré assez rapidement le milieu positif et bienveillant alors que je travaillais avec des enfants.  J'avais croisé Sœur Filliozat (oui, je l'ai baptisé) par le biais d'un de ces ouvrages, « Que se passe-t-il en moi ? ». À cette époque, je cherchais un moyen de comprendre comment interagir avec le monde. Je vous l’avoue tout de suite, malgré des recherches extrêmement studieuses sur le sujet, je n’ai toujours pas compris. J'ai quelques rustines mais niveau "relations" et intégration, je crois que je suis toujours aussi nulle.

Puis, un jour, le ventre à peine rebondi, j'ai sauté à pieds joints, j'ai littéralement plongé en apnée dans le monde des concepts éducatifs et ce "milieu". Je crois même que je me suis noyée. J'ai dévoré des ouvrages sur la pédagogie (la Garanderie, Freinet, par exemple), l'éducation et la parentalité. C’était un usage préventif, en vue de ma future maternité mais je reconnaissais quelques thèmes croisés dans le cadre de ma profession (je bossais avec des enfants mais aussi, j’échangeais avec leurs parents). Je suivais individuellement et en petits groupes, des écoliers âgés de 4 à 12 ans, au sein des écoles et collèges, dans le cadre des Plans de Réussite éducative. J'étais là pour faire de la lutte contre la délinquance, donc j'avais face à moi des enfants souvent amochés. Usage professionnel, mais à haute dose ; attention, je ne fais pas dans la dentelle. Je suis d'une exigence assez fatigante (surtout pour moi-même), j'ai cette tendance quand je découvre quelque chose, à reprendre tout depuis le début, comme si je ne pouvais me permettre aucun impair. Je suis passée du développement de l'enfant, à la psychologie (bon ça, j'étais déjà bien lancé depuis mes 20 ans), en passant par des livres plus "fun" où l'éducation ressemble à un sport de combat, on vous explique ça avec des dessins, des illustrations faussement rigolotes pour vous donner les recettes.

Au creux des livres, des forums puis des groupes pro-éducation positive ou bienveillante, j'ai beaucoup appris. Il faut quand même le souligner, c'était bien cette idée de respecter l'enfant, de respecter son rythme, de rayer le mot "capricieux" de mon vocabulaire pour parler de mon bébé, de comprendre le sommeil, de ne pas attendre trop de lui, d'éviter la violence, de l'aider avec ses émotions, de ne pas tomber dans les luttes de pouvoir, de connaitre des choses sur son développement, c'est ce qui rend toute cette approche difficilement critiquable... Qui voudrait s'opposer à la bienveillance ? J'ai appliqué et applique toujours énormément de ces recettes parce que j'en ai trouvé de profondément saines et qui m'ont semblées de bon sens.  C'est un voyage sans retour lorsqu'on met le doigt dans l'engrenage, on y est jusqu'au cou et ça force à réfléchir à ce qu'on fait, ce que je trouve complètement nécessaire et salvateur. Je me suis aperçue qu'au delà de la stricte question éducative, cela m'a permis de m'interroger sur la place de l'enfant dans la société.

Je me souviens de ma joie de lire Catherine Guéguen. Avec le recul, j'ai l'impression que malheureusement pour elle, sa volonté de glisser un doigt de science dans le cocktail "parentalité et éducation" s'est littéralement transformée en cocktail molotov dans la main de certains parents. Nous avons été étouffés sous les conseils et références neuroscientifiques et j'avoue que pour une passionnée du cerveau comme moi, ça aussi, j'ai adoré. En tout cas, au début.

Calins

Oui le cerveau j'aime bien, vraiment bien. Jeune ado, j'avais trouvé un genre de dictionnaire de médecine à la bibliothèque et j'ai passé beaucoup de temps à regarder des illustrations de tranches sagittales d'un cerveau humain. J'ai poursuivi en m'intéressant aux neurotransmetteurs. Puis il y a eu Pearl Jam, la nécessité de trouver des pairs et de quitter le foyer parental le plus vite possible et je vous avoue que j'avais autre chose à penser.

Bref, j'en ai mangé du contenu sur le cerveau (avant d'avoir un môme), l'éducation, la pédagogie... J'en ai plus d'un rayon dans ma bibliothèque personnelle, je cache tout sous un drap parce que clairement, il suffit de me voir avec mon fils, pour comprendre que ça ne suffit pas toujours... Ahahah ! J'ai compris avec les années que la maman bienveillante et celle qui n'y arrive pas toujours, pouvaient coexister en moi. Parfois, ça me déçoit, parfois je me dis que je fais ce que je peux.

Au fur et à mesure des années, trois choses me sont apparues assez clairement :

- On nous vend l’éducation positive exactement comme on vend des livres de recettes. Mais si vous vous plantez, on vous dira "Ah mais,ce ne sont pas des recettes hein !"

- En vrai, l’éducation positive c'est super compliqué et les résultats ne sont pas forcément ceux espérés. Enfin, peut-être, mais non... ou si, mais, pas tout de suite !

  - Des livres, on a tendance à extraire uniquement des trucs et astuces alors qu'on devrait s'interroger sur le lien, sa qualité, les valeurs qu'on y attache et comment le nourrir

J’ai donc appris, oui, mais j'ai aussi souvent remis en question. Et sur les groupes, je pense que mon attitude a agacé. C'est le côté ch*ant chez moi, j'imagine que je suis vue comme un genre de poil à gratter (c'est un truc poli pour pas écrire le mot emmerd**se). Je grattais surtout leur vernis. Faut reconnaître que tacler les gens qui ramènent tout aux neurotransmetteurs, pour une personne passionnée par le cerveau, c'est un brin ironique (je suis paradoxale). En plus, je crois que ça m'énervait de voir des gens s'intéresser à un truc que je considérais comme étant confidentiel et que j'étais fière de connaitre un peu, moi, seule, dans mon coin (je suis snob aussi).

Pourtant, avec tout ce que je lisais, il fallait bien que quelqu'un intervienne de temps en temps avec un autre son de cloche,  parce qu'un des problèmes selon moi c'est que dans ce "milieu" comme partout ailleurs, les gens convaincus prennent beaucoup la parole et on finit par n'entendre qu'eux.

Avec l'éducation positive, on n'échappe pas à cette règle. Elle a commencé à prendre TOUTE la place. Le concept d'éducation positive, mais surtout son imagerie, ses références, ses marques, ses auteurs, ses symboles, ses objets, ses artefacts. Regardez comme ça se caresse le dos à longueur de pages, pour se féliciter d'avoir choisi le BON CHEMIN. Les blogs sont souvent des espaces d'auto-validation, d'auto-réassurance où les mamans trouvent un lieu pour se raconter des histoires, ou juste leur vie, marquer des points, exposer le décorum éducatif, essayer de se distinguer dans leurs choix de petits pots et de perles en bois (qui sont les meilleurs, au cas où vous ne l'auriez pas compris). Même celles qui tentent de se décrire comme "faillibles", n'échappent pas au lâcher de crottes de nez sur celles qui ne font pas comme elles. C'est plus fort que tout, il faut se comparer, plus souvent pour se revaloriser que pour s'améliorer.

J’ai appris à moins être touchée par les idées que les gens se font sur moi, en tout cas, je ne cherche plus à les corriger. Donc, j'ai beaucoup discuté sur des groupes et des forums. Vraiment, sur Internet, fut un temps où je prenais plaisir à parler, échanger, confronter des idées, dans le but de changer, d'évoluer, d'apprendre. Il m'a fallu juste un peu de temps pour comprendre que j'étais pas nombreuse à voir ça comme ça. Il m'a fallu 2 ans pour comprendre que très peu de monde cherchait à échanger pour grandir. Bref, le plus souvent possible, moi je disais ce que je pensais. Ça m'a valu d'être... bloquée. Ouch... que de violences ! (j'étais donc victime de VEO quelque part non ?). J'ai quitté certains groupes tellement le miel dégoulinait de partout autour de 2 ou 3 personnages emblématiques et qu'il était impossible de poser les vraies questions  (la dérive, l'effet gourou, le désir de contrôle, les comparaisons, le business). J'ai vu des choses pas jolies à base de dénonciations aux services sociaux sur un groupe "bienveillant".

J'ai commis des auto-exclusions en forme de coup de gueule car j'ai eu souvent la désagréable sensation d'être tombée dans une secte dont rien ne devait déborder. Il faut le savoir, l'éducation bienveillante, c'est un modèle avec des règles et le discuter est peine perdue avec les extrémistes qui le composent.

Mon truc, c’est les listes. Donc, afin de synthétiser mon témoignage, j'ai choisi ici de compiler en quelques concepts, ce que j'ai vécu ou observé  au fil de ces années.

Le scientisme à outranceAdobe spark 20

Là, c'est presque mon propre dos que je plante, parce que je suis passionnée par l'approche scientifique et pire, par le fonctionnement du cerveau comme je l'expliquais en intro. Mais lorsqu’à longueur de pages, on nous donne l'impression d'élever un hypothalamus sur pattes, ça-me-fa-tigue ! Et lorsque, sous couvert de données scientifiques, on veut nous fait l'inventaire de toutes les hormones qu'il sécrète lorsqu'on a refusé qu'il repeigne le salon avec sa gouache, ça me fatigue aussi. C'est vrai, à force, ça nous stresse. Je trouve ça culpabilisant, ça appuie là où ça fait mal, ça nous pousse à nous interroger à chaque seconde sur nos interactions... et c'est invivable. Ça joue sur notre angoisse de parent : lui faire du mal involontairement. Je n'en peux plus qu'on nomme mon "non" ferme et légitime, violence. Je m'insurge devant les explications de Soeur Filliozat qui vient me décrire ce qu'il se passe dans la tête de mon fils comme un cataclysme intersidéral. J'ai grandi dans une famille dysfonctionnelle, je sais ce que c'est de vivre des choses violentes et traumatisantes et je vais vous dire un truc, la violence, souvent, elle se fait dans le silence, on ne pose jamais de mot dessus, ça n'est pas un simple non, ou un refus de Mininuts. 

Et puis zut, je n'élève pas un sac de cortisol ! Laissez-moi en paix. Je fais des câlins à mon fils, parce que j'aime ça, pas pour lui faire sécréter un truc !

 

Le perfectionnisme

Dans le « milieu » on vous rappellera 100 fois que la mère parfaite n'existe pas, mais on vous encouragera quand même vachement à l'être. Parce que c'est ce qui se dégage de cet univers, un truc lisse, propre, sans accroc. Mama-positive hausse un sourcil, vous écrira un billet pour vous raconter le jour où elle a crié sur son môme, où elle a été imparfaite, mais le billet d'après ça repartira sur les photos d'intérieur hippie-chic, les belles tables avec plateaux estampillés Montessori et la photo du petit dernier avec un sourire d'ange qui fait ses nuits grâce à sa méthode magique pêchée dans un manuel pour daronne inuit. Tons pastels, partenariats avec des marques de jouets en bois, compotes en gourdes recyclables, Mama-positive a toujours le sourire, on dirait qu’elle dort 12h par nuit. Elle prépare des plateaux Reggio à son loulou avec des perles achetées à l'unité sur Etsy. Il faut que tu comprennes TOI que la parfaite, c'est elle. Pas de souci, je m'incline ! Dommage que ça ne saute pas aux yeux de ces nanas qu'elles vivent dans du coton, que si elles ont toutes ces préoccupations éthiques, c'est qu'elles en ont le temps et les moyens.

Les comparaisons

Il y a 20 ans, personne n'exposait son intérieur et son intimité ou ses pensées (bon, il semble que la mode soit plutôt d'exposer les pensées d'un autre avec des citations). Même moi, j'écrivais un journal, pas un site internet (Bon je ne vous parle pas de mes mugs ou de ma vie, enfin pas trop).

Aujourd'hui, c'est comme ça. Du coup, on peut découvrir le quotidien d'Anne-Cécile, mère au top et très active de 4 enfants, qui fait du yoga 3 fois par semaine. Celui de Violaine qui fait l'IEF à ses 2 derniers en étant femme au foyer parce qu'elle pense que c'est la seule solution pour "bien élever ses enfants". Celui de Stéphanie qui prend le temps de faire la purée et les goûters maison à ses jumeaux depuis leur naissance. Celui de Julie, chargé de mission, qui bosse 39h par semaine et élève seule un ado et une paire de jumeaux, mais a le temps de tenir un blog sur sa passion pour la cuisine healthy. Et en vrai, ça vous déprime. Y'en aura toujours une qui vous déprimera. Et face à votre déprime, vous chercherez les petites bêtes... mais attention ! Vous ne les chercherez pas sur votre crâne, non, mais sur celui d'Anne-Cécile, de Violaine, de Stéphanie et de Julie. Et si vous ne lisez pas de blogs, vous en chercherez sur le crâne de votre voisine, de la maman au portail ou d'une collègue. Vous chercherez des petites bêtes et vous trouverez une forme de soulagement en pensant que ces nanas font semblant, trichent, mentent, en bref : font de la m*rde, mais le cachent. J'ai entendu régulièrement ce genre de phrases de la part de mamans, voisines, parents d'élève, je n'ai jamais saisi l'intérêt de ces propos acides. Quel est le le but ? Se revaloriser ? Je vois pas ce qu'il y a de valorisant à imaginer les autres malheureux ou en échec, excusez-moi.

Franchement, allez lire les articles qui vous parlent des méfaits de la comparaison : leur méthode miracle pour vous soulager c'est de penser que celle que vous jalousez n'est pas si parfaite.

Génial, c'est donc dans le mépris et la suspicion qu'il faut trouver de l'aide... on n'a qu'à continuer comme ça à se jeter des cailloux entre femmes, à se lamenter du manque de solidarité entre nous, mais surtout évitons de nous regarder en face, ne nous remettons pas en question, ça va plus vite de cracher sur les autres ! La vérité c'est qu'il faudrait juste vous demander ce que ça peut bien vous faire. Qu'est-ce que ça te fait toi, maman qui bosse, que d'autres choisissent de rester avec leurs enfants ? Qu'est ce que ça peut te faire toi la mère au foyer que les autres préfèrent retourner vite au travail ? Qu'est-ce que ça peut vous faire les choix éducatifs de votre collègue ou voisine ? Qu'est-ce que ça titille en vous, pour que vous ayez besoin d'imaginer qu'en vrai, "elle le cache, mais elle y arrive pas" ? Qu'est-ce que ça vous apporte ? Vous avez vraiment besoin de démonter les autres pour vous sentir pas trop atteinte ?

Comparaisons rassurantes

"Te compare pas, de toute façon tu sais, ce qu'elle te montre c'est que la partie immergée de l'iceberg ! Elle montre que le positif. Si ça se trouve elle galère plus que toi, en vrai elle y arrive pas ..." Mais m*rde ! Qu'est-ce que c'est que cette mentalité de fragile ? Cette nana, au fond, elle ne fait que te renvoyer à des questions que tu te poses sur toi-même.  Qu'est-ce qu'elle y peut ? T'as vraiment besoin d'imaginer que sa maison est crade de temps en temps pour te sentir plus forte dans la vie ? T'as besoin de dévaloriser les autres comme ça ? Ce couple qui a l'air heureux et qui t'agace avec son sourire plein de dents, il l'est peut-être, heureux. Pourquoi devoir imaginer que c'est du cinéma ? Pour ne pas te blesser ? Te faire douter de toi ? De ton propre couple ?

La parentalité n'est pas une épreuve sportive, c'est pas un 100m au chrono. En plus, faut bien se mettre en tête qu'on ne part pas tous à égalité sur la ligne de départ. Je suis personnellement bien consciente du fait que se poser des questions sur ma parentalité à ce point, c'est que je peux me le permettre, j'en ai le temps et j'ai les ressources, ou accès à elles, ce n'est pas le cas de tout le monde. Je ne ressens pas le besoin d'imaginer les autres en échec (derrière la façade) pour me sentir mieux.

Quand je me vois partir sur des comparaisons douloureuses, perso, je me bouge le fondement, je me pose les vraies questions : Qu'est-ce que tu envies comme ça ? T'aimerais avoir plus de temps pour ça ? Tu penses que t'es pas capable de faire pareil ? Et je fais en sorte soit de faire mieux, soit d'accepter que je ne peux pas lutter. Parce que le problème avec les comparaisons, c'est que c'est un manège infernal. Mais surtout, c'est rarement constructif. Se comparer à moins bien, on dit que ça fait se sentir mieux. Je trouve ça bof. Un peu idiot aussi, un peu comme les bobos qui vont en Afrique pour comprendre la misère et reviennent "conscients des vraies valeurs". Se comparer à mieux, ça devrait nous pousser à nous améliorer, pas nous conduire à chercher des poux dans les vies des autres pour, au final, éviter de se questionner ! Que d'énergie perdue dans cette manie qui consiste à traquer les faux plis... Le mieux, si vous n'êtes pas capable de garder votre fiel, c'est de rester dans votre bulle et surtout, ne changez rien !

L'interventionnisme

Je me rappelle de cette anecdote, lue un jour sur un groupe de discussion : en gros, une maman d'un petit de 30 mois débarque sur le groupe pour nous parler de son problème, son petit « qui dort bien, parle comme un 6 ans, range son bavoir dans le tiroir mais... ne range pas ses jouets ». Pardon ? J’étais vraiment épatée et franchement sur le coup, j’ai pensé que c’était un test, une blague quoi. Oh ! Mince chérie, t'as oublié de cocher cette case quand tu l'as commandé ? C'est quoi ce morpion qui n'a pas encore appris à à ranger ? C'est la faute du père non ? Est-ce que papa range la maison aussi ? ... Allo ? …. Elle rigolait pas ! J'ai eu envie de lui répondre : mais laisse le tranquille ton petit ! C’est pas Monsieur Propre, il a 2 ans et demi ! Ouvre un livre, regarde ce que tu peux lui demander à son âge, ton petit ira à son rythme, respecte ça.

Une autre maman est arrivée paniquée un jour sur le groupe, parce que son bébé ne dormait pas bien "depuis 2 nuits !!!!!" (y'avait beaucoup trop de points d'exclamations, je vous jure). 2 jours ? Et quoi ? C’est tombé pendant ta bar-mitzvah ? Détends-toi ! 2 jours c'est rien. Si ça se trouve, c'est un virus de rien du tout et son mini système immunitaire est en train de batailler. Arrête de paniquer. Parfois il te fera ça pour d'autres raisons, des terreurs nocturnes, un truc émotionnel qui n'est pas passé, et là, tu pourras vraiment chercher des solutions, mais là... 2 jours. Non, franchement... détends-toi.

Vouloir intervenir rapidement au sujet du moindre problème, c’est ce que j’appelle une maladie, l’interventionnisme parental.  Il n'y a pas une solution à trouver pour tous les problèmes, il y a des problèmes qui n'en sont pas, qui passeront comme ils sont venus. Oui, quand t'es fatiguée, tu dramatises rapidement, oui, tu te poses des questions métaphysiques trop vite. Arrête de vouloir intervenir sur tous les plans ! Laisse le temps au temps. Si vraiment ça s’installe, là, on creuse mais tout n’est pas un drame. J'ai découvert le pouvoir de l'ignorance en lisant Kazdin. Ignorer quelques fois certains mots, certaines réactions inadéquates dans le comportement de mon fils m'a permis de ne pas être en conflit permanent avec lui, qui a un tempérament assez opposant et qui pratique énormément  l'argumentation. Je vous recommande de lire l'article sur Kazdin.

Le refus du conflit

J'ai souvent eu l'impression que le grand interdit c'était le conflit avec l'enfant. Même si je suis parfaitement ok avec le fait que je ne dois pas entrer en guerre avec mon enfant, il y a des moments où je lui exprime que j'ai mes limites. C'est une chose que j'ai eu parfois du mal à faire, il a fallu apprendre. Si une grosse émotion débordante arrive derrière, on gère, on parle. Mais je m’autorise à me fâcher et à me disputer avec lui. Quand j’ai une attente (j'ai 3 trucs basiques sur lesquels je ne transige pas : les dents, le temps d'écran et les balades dans la nature), je l'exprime et on voit ensemble comment faire pour qu'on soit tous les deux contents. Je lui apprends et lui répète les bienfaits de ces compromis que nous faisons ensemble pour notre bien-être et notre santé. C'est lourd, c'est chiant, j'ai l'impression d'être un perroquet... tant pis.

J'ai encore une anecdote : je m'amuse (avec un sourire jaune) des parents que je croise lorsque je me rends à des séances de ciné pour enfants, ou des spectacles (j'adore le théâtre jeunesse). J’assiste souvent à un tout autre spectacle, complètement improvisé par ces enfants venus avec leurs parents :  des enfants « libres » que les parents laissent gâcher toute la représentation ou le concert , parce qu'ils refusent l'idée même d'une possible prise de position ferme. La confusion entre bienveillance et laxisme est assez courante. Certains y voient un respect de l’enfant, moi j’ai tendance à dire qu’ils ne lui rendent pas du tout service. Ils gâchent le spectacle de dizaines d'autres enfants, ils ne prennent pas conscience de la présence et du désir des autres et personne, surtout pas les parents, ne les guident pour leur dire ce qui est possible ou pas dans une salle ou un lieu culturel. Ils s'interdisent toute intervention au nom de la liberté de leur enfant d'être en enfant ? Je ne suis pas d'accord ! J'apprends à mon enfant que sa liberté n'a pas plus de valeur que celles des autres.

Le mythe de la solution magique

Combien de fois j'ai tiqué sur toutes ces méthodes. Vous connaissez celle-là ? « Utilisez le jeu » !  Elles sont géniales ces méthodes, surtout celle là,  mais ce qu'on ne nous dit pas c'est qu'il y a des jours où on n’aura pas envie de transformer le coucher en jeu, on aura juste envie qu'il dorme.  Un soir, on aura pas envie d'imiter les cris des bactéries dans la bouche quand la brosse à dents passe (je l'ai fait des mois, si si). On sera juste fatiguée ! « Consacrez-lui 15 min par jour de jeu, exclusives » : qui a décrété que 15 min allaient suffire ? Nan, parce que chez moi, 15 min c'est pas assez, c’est jamais assez. J'ai dû oublier de cocher cette case moi aussi :-) et puis, le temps c'est pas forcément du jeu... Ne travaillant pas, je peux vous dire que mon zouzou, du temps avec moi, il en a. Si je mets bout à bout les câlins, les balades, les moments "à deux" et les jeux, ça fait bien plus que 15 minutes et pourtant, ce n'est JAMAIS suffisant !

On n'en parle pas de la VRAIE solution. On ne dit jamais que l'unique, la seule solution magique peut-être, c'est : l'absence de fatigue + un co-parent en béton et disponible + une volonté de malade + du soutien (un réseau ou au moins des gens à qui parler), tout ça couplé à zéro problème périphérique (ni problème de famille, ni de boulot, ni aucun problème)... Autant te dire que c'est la vie de personne. Donc, il n'y a PAS de solution magique.

Les ponts entre la parentalité positive et le monde alternatif

J'ai fréquenté pas mal de groupes Facebook (parentalité, femmes de militaires, pédagogie, bienveillance, écologie) et ceReconversion de femme que j'ai noté, c'est que les groupes orientés parentalité positive-bienveillante-éclairée-éveillée exigeaient de moi d'adopter tout un tas de croyances. J’ai eu le plus grand mal à enfiler les panoplies mentales qui sont leur dress-code. On y parle de pratiques décrites comme « alternatives » dans un univers entre-soi, oscillant entre développement personnel, entreprenariat (remède à tous les maux, on dirait), quête du bonheur, désir d’anticonformisme et d'appartenance. Mythes, pseudosciences, spiritualité parfois ostentatoire, épidémie de reconversion en sophrologie et naturopathie chez les quarantenaires, rébellion, tendances conspirationnistes, diabolisation de tout et rien, anti-vaccination, anti-médicaments, anti-sciences, médecines « naturelles », jeûne hydrique, méditation, matériel spécifique, dictature du bonheur, coaching, anti-consumérisme (mais stage bien-être à 500 balles) et zéro-déchet. Je ne dis pas qu’il n’y a QUE des mauvaises idées, au contraire, je dis que le manque de rigueur, les contradictions de bourgeois-bohème et le manque de recul y sont monnaie courante.

On questionne l'éducation de ses enfants, c'est bien. On questionne le monde c'est bien aussi. La démarche perd un peu en maturité quand on commence à questionner tout et m'importe quoi, surtout les choses au sujet desquelles on a très peu de connaissances. Beaucoup confondent méfiance et défiance, ça devient systématique, et c'est sur tous les sujets que le « milieu » commence à véhiculer des idées telles que le refus des vaccins, l'ostéopathie crânienne. Mama-douce est anti « Bigpharma »  mais n'est absolument pas dérangée par le fait de sponsoriser Boiron en donnant des granules de sucre homéopathiques pour un oui pour un non à son petit ? Pourtant, cette pratique au fond, c'est induire chez l'enfant l'idée que tout doit être « soigné », qu'à chaque bobo répond un médicament. Il y aurait trop à dire sur les dérives autour de la parentalité... j'en perds mon courage.

 

Ces ponts entre parentalité et croyances expliquent en grande partie mon incapacité à trouver d'autres femmes qui me ressemblent. Quand une des premières questions qu'on me pose c'est « t'es de quel signe ? », j'ai envie de courir, loin. Quand on avait 16 ans ok, mais plus à 44. C'est triste, mais je ne désespère pas. Attention, ne vous méprenez pas, moi les croyances elles ne me gênent pas, mais souvent je trouve qu'elles servent des desseins stupides : se faire passer pour plus intelligent, trouver des réponses à des questions qui n'en ont pas (ou si, mais pas celles là), se distinguer de manière originale, romantiser sa vie ...) Regardez, avec l'astrologie par exemple, on cherche quoi ? Se faire un a priori sur la personne avant de la connaitre ? Avoir l'illusion de maitriser les évènements  avec un horoscope ? Je préfère le réel. 

La responsabilisation systématique de la mère

S'il se passe quelque chose de mal avec ton enfant, c'est toujours ta faute. Ben oui, c'est un leitmotiv comme un autre. Il pleure avec toi quand tu vas le chercher chez la nounou alors qu’elle dit qu’avec elle, c’est un ange ? C’est parce qu’il se permet ça uniquement avec sa figure d’attachement. Il pète un câble avec toi parce qu’il sait qu’il sera accueilli.

Il est infernal chez la nounou, le petit qu’elle te décrit ne ressemble en rien au petit loulou que tu as enfanté ? C’est parce que tu es sa figure d’attachement et il ne supporte pas d’être séparé de toi. Tu verras, ça marche avec tout.

Il ne faut pas oublier une chose : à moins que tu ne vives dans une grotte, tu n'es pas la seule personne qui interagit avec ton enfant. Tu n'es pas responsable de tout, ni de ses relations avec les autres, ni des attitudes des autres, ni de son tempérament de base.

Le vrai but caché, c'est une certaine forme d'obéissance, ... oui et donc ?

Vous avez sans doute déjà entendu parlé de la technique du choix. Le choix, enfin, le FAUX choix, qu'on propose à son petit pour qu'il ait l'impression de décider quelque chose dans sa mini vie. « Alors tu veux mettre ta doudoune verte, ou la bleue ? ». En gros, tu mets une doudoune, ok ? « Tu veux manger une banane ou du raisin ? » parce que j'ai décidé que t'avais encore faim et que t'avais envie d'un dessert en fait... Le but de l'éducation bienveillante pour de nombreuses mamans (et ça l'a été un peu pour moi) c'est en fait de se faire obéir ! C'est tout. Ce sont des stratagèmes gentils, mignons, sympa, pas violents, un poil manipulateurs, mais bien intentionnés, bienveillants quoi, pour obtenir ce qu'on veut du nain. Parce qu'on l'aime, on veut pas le froisser, mais on voudrait quand même pas qu'il croie qu'il peut faire ce qu'il veut ! Y'en a qui s'occupe de nous démasquer : « Ah! mais tu veux juste qu'il t'obéïsse ? » Euh ... oui un peu, mais pas par peur quoi... Rah ! On sait même plus ce qu'on veut avec toutes ces conneries. Est-ce que c'est mal d'insister pour qu'il se lave les cheveux parce qu'il sent le chien ? Est-ce que le dentiste pourra rattraper la plaque dentaire sur sa nouvelle incisive parce qu'il refuse de se brosser les dents ? J'ai bon ? Je dois faire quoi au juste ? Comment je jauge la limite entre le fait d'insister pour qu'il conserve sa dentition et le harcèlement moral ? Les mots sont importants ! C'est aussi mon job de lui répéter les choses et de lui apprendre à faire même les choses qu'il n'a pas envie de faire.

Que dire de la CNV (communication Nonviolente®, ouais c'est une marque déposée aux USA) ? À mon époque sur les groupes ça commençait tout juste, j'avoue avoir acheté deux livres de Rosenberg (oui, mais oh ! J'ai dit que moi j'aimais bien comprendre les trucs). Mais j'ai l'impression que c'est devenu envahissant. À force de l'utiliser, je me rendais compte que je commençais à devenir une sorte de gros paquet de "ressentis" ambulant, analysant chacune de mes digestions difficiles comme autant de besoins non exprimés. Excusez-moi mais, me transformer en petit machin fragile, autocentré, ébranlé par un rien, extrêmement susceptible, attendant toujours de l'autre (et de son enfant donc) qu'il formule bien ses phrases, respecte mon petit égo et se montre conciliant pour ne pas me froisser, je sais pas... à un moment, j'ai trouvé ça un peu tiré par les cheveux. Quand j'ai un besoin, je l'exprime ; mais bon, j'essaye de m'occuper de moi toute seule aussi. J'exige pas des gens qu'ils apprennent une langue spéciale pour s'adresser à moi, je ne suis pas un petit poussin.

Je suis d'accord pour faire un gros travail sur la communication (c'est ma formation de base la com'), c'est passionnant, tout le monde devrait avoir des cours sur le sujet, mais la CNV, y'a un truc qui me dérange (peut-être les prix des stages ahah!). J'essayerai peut-être d'y réfléchir encore et d'en reparler. Avec les enfants, utiliser la CNV, je trouve ça par moment un peu « déplacé ». Exemple : quand j'ai « besoin d'ordre », franchement, je la range sa chambre ... je ne l'emmerde pas systématiquement pour qu'il fasse tout seul, surtout à 3 ans. C'est mon besoin alors j'assume. J'ai peur de transformer mon fils en petit paquet de ressentis ambulants aussi. Stop.

Le côté « semeur de graine »

Là, on plane dans les hautes sphères du mouvement. C'est sans doute ce que j'ai trouvé de plus détestable dans ces groupes. J'ai envie d'égratigner personne en particulier et je suis convaincue qu'il y a des exceptions qui le font pour de bonnes raisons, mais que penser de tous ces « pros » qui ont afflué sur le marché en France. Il y a des familles qui exposent leur vie privée comme dans un film, des coachs parentaux, en passant par des médecines alternatives, tout le monde a quelque chose à ajouter au gloubi-boulga ambiant. Ok.

La semeuse de graines

J’ai du mal avec le fait de se déclarer spécialiste en parentalité …Un enfant, ce n'est pas un ordinateur à programmer, il a son tempérament, ses besoins, ses caractéristiques, j'ose dire même, son QI, ses faiblesses et mauvaise nouvelle : vous aussi. Allez essayer de cuisiner un truc avec ça !  Outre les conseillères, psychologues, coachs, on peut croiser des personnes complètement lambda qui se donnent pour mission d'évangéliser la planète en commençant par la belle-sœur. Le parent bienveillant est tellement sûr de lui qu'il se donne pour mission de « semer des graines de bienveillance ». C'est assez marrant quand on y pense, leur volonté de marteler diffuser leur bonne parole. Surtout quand on la met en parallèle avec leur réaction épidermique face aux conseils et regards étrangers sur leurs propres choix. La bienveillante veut bien donner des leçons (planter ses graines), mais pas en recevoir, car c'est elle qui a raison. C'est juste que tu ne le sais pas encore.

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Comme vous l'avez peut-être remarqué, dans la vie j'aime bien trouver quelque chose de positif sur lequel terminer. Reflexiotheque limites du cerveau gwmtt 1Il se trouve que ma plongée dans le milieu bienveillant a titillé un truc assez fondamental chez moi depuis toujours : mon besoin viscéral d'être dans le vrai et de me remettre en question. Quand j'ai su que j'allais devenir maman, c'était évident qu'il allait falloir que je m'outille parce que je savais d'instinct que je ne voulais pas reproduire ce que j'avais connu petite.

Tous ces livres, je crois qu'ils m'ont servi d'assise et de caution parce que je pensais que je n'étais pas capable de « bien élever un enfant ». C'était dommage quand j'y pense de me faire si peu confiance. Je trouve ce constat (ou point de départ) assez triste. Je suis prête à parier qu'on est nombreuses comme ça, à douter horriblement de nous-mêmes. Comme j'en parlais dans le point "comparaisons", ça pousse certaines à juger les autres, les imaginer en échec pour se rassurer. Moi, je suis très dure avec moi, ma parentalité s'accompagne de beaucoup de culpabilité. Je me sens toujours insuffisante.

Ce qui m'a vraiment été profitable avec l'éducation bienveillante c'est qu'à force de me prendre la tête dessus, j'ai travaillé un truc complètement dingue et qui a priori n'a rien à voir : la démarche scientifique et l'esprit critique ; ça a littéralement bouleversé ma vie depuis 7 ans maintenant... C'est carrément une nouvelle hygiène de vie, une hygiène mentale.

J'ai changé mon approche, révisé mes sources, j'ai lu moins de bouquins en tête des ventes, j'ai été plus critique, j'ai développé des compétences sur de nouveaux sujets, j'ai remis en question mon regard sur le cerveau et ses super capacités (parce que, comme tout le monde, j'avais plein d'idées fausses).

En vrai, il est un peu feignasse le cerveau et apprendre à détecter mes biais, mes raccourcis, mes dissonances, ça a été dur mais jamais ô grand jamais, je ne voudrais revenir en arrière. L'éducation bienveillante, positive, éclairée, éveillée, licorne, multicolore, j'en ai eu marre. Vraiment. Il m'a fallu du temps pour reprendre confiance en moi et interroger mes attentes, les relativiser aussi. Il m'a fallu aussi questionner ce doute, ce manque de confiance en moi sur lequel elle a su appuyer bien fort avec ses porte-paroles, ses photos, ses gens lisses, ses jolis jouets en bois. J'ai pas fini à vrai dire, je continue, tous les jours je reprends mon ouvrage.

J'aime mon fils comme c'est pas croyable et ça, c'est immuable. Alors maintenant, j'essaye de me voir avec mes atouts, c'est très dur, y'a des jours où je ne les vois pas. Je me vois comme une maman de cirque : je jongle. Une balle pour mes connaissances, une balle pour mes tripes d'humaines et la troisième pour l'improvisation. Parfois, j'ai le flow, je fais des numéros fantastiques. Parfois, je rate une balle et je reprends mon souffle. Le spectacle n'est pas parfait, je ne serai jamais parfaite. Mon fils me questionne, me travaille, me retourne mes idées reçues. C'est ce qu'il y a de positif dans l'éducation, vous vous éduquez, vous vous élevez, vous aussi.

 

parentalité chronique humeur

Commentaires

  • Sandrine
    • 1. Sandrine Le 11/03/2023
    J'aime tout du début à la fin. Ce que vous dites sur les comparaisons m'ouvre les yeux, vraiment ! Merci

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