Gagnez sa vie avec son travail : ce n'est pas sale !
- Par lareflexiothecaire
- Le 02/07/2021
- Dans CAPSULE DE REFLEXIO
- 2 commentaires
Ca fait un moment qu’il germe cet article.
En fait, je l'ai écrit lors de mon incursion dans la grande aventure de l’auto-entreprenariat en 2015. Pour rappel, le délicieux podcast Mission Famille que vous trouverez ICI, était avant tout un projet entrepreunarial : je souhaitais, ... l'horreur ... en faire mon activité professionnelle pour quelques mois ou années (mais me connaissant, je savais que ça évoluerait rapidement vers d'autres envies).
Oui, j'avoue, je voulais donner mes conférences dans les régiments et être ... l'horreur ... rémunérée. Oui je suis comme ça moi, je ne doute de rien.
Vous les avez vu tous ces gens qui essayent de vivre de leurs idées, de leurs créations, de leurs conseils ? Avec Internet, le commerce au coin du salon c’est devenu possible. Y’en a qui « font leur beurre » en faisant des vidéos (c'est d’utilité pas toujours publique). Y’en a qui « se lancent dans le business » du coaching (y'en a sûrement des biens). Y’en a qui ouvrent des boutiques en ligne pour vendre des bonnets, des cotons-tiges en bambou, des barrettes. Y’en a qui surfent sur les nouvelles pédagogies, sur tes angoisses de parent, pour vendre de la conférence, du matériel, des livres … Oui, y’en a ! Plein ! Des tas !
On va aller droit au but : quel mal là-dedans ? T'as reçu des menaces pour leur acheter ?
Non, sérieusement, je me demande pourquoi le commun des mortels a cette méfiance pour l’entrepreneur qui veut se générer un salaire ? Surtout qu'il faut vraiment relativiser, pour beaucoup, ce salaire atteindra difficilement le SMIC et il va devoir bosser comme un malade pour espérer voir fleurir son affaire.
Comble de tout : dans le domaine des biens immatériels (idées, ateliers, conférence, formation etc...) la plupart des acteurs offre des contenus gratuits comme s’il fallait d’abord donner une partie de leur travail pour pouvoir vendre l'autre.
Mais, vous goûtez tous les produits que vous jetez dans votre caddie avant de les payer ? Vous avez bossé 10 jours gratos avant de rejoindre l'équipe marketing au boulot ? Vous avez rempli 25 rayons gratos chez Shopi pour faire vos preuves de vos qualités d'employé sans être rémunéré ? Le premier rendez-vous est gratuit avec vous ? Certainement pas.
Je me souviens du mal que je me suis donnée pour préparer ma première conférence. J'avais rejoint un club d'autoentrepreneurs sur Facebook et là, je tombe sur le témoignage d’une graphiste agacée car elle venait d’apprendre à une collectivité, désireuse d’utiliser son travail gratuitement, que ce dernier était … l'horreur, accrochez-vous ... payant !
Ben ça alors dis donc ! Un travail payant ! Mais où va le monde ma pauv'dame ?
Elle avait cette folle idée que son travail méritait un salaire; comme dans le proverbe, tu vois ? Quand elle a envoyé son petit tarif, la collectivité lui a répondu qu'elle trouverait une autre personne "capable d'apprécier qu'on partage son travail". Oh mais b*rdel, excusez-MOI ? ( désolée, je suis sensible moi, ça me rend grossière) ... Fallait les remercier pour la pub en plus ? Trop cool, bien le merci m'dame, je suis fort aise de me savoir connue à Saint-Laurent-sur-Gorre !!!
Je me souviens aussi de cette experience sociologique que j'ai faite juste quelques jours avant ma première conférence, j’ai voulu partager mon euphorie sur un forum de "femmes de militaire" où je venais de m’inscrire. Moi, la nana un peu fofolle quoi, contente, ravie, exaltée, "coucou, je suis nianiania, je vais diffuser mon travail et je vais peut être Ô miracle, permettre à quelques nanas de se sentir moins seules" ...
Premier message de présentation, on me pose plein de question, donc je fais une ligne sur la conférence et mon projet. Je me souviens de Mamzelle-au-taquet qui m’a demandé direct « Mais, tu vas te faire payer ? » Euh… attends. L'horreur. Oui. Pardon. Désolée. Oui. Je vais demander un salaire pour ce travail. Oui. Pardon.
Et bim ! Je me suis sentie obligée de me justifier, alors que le comble dans mon cas, c’est que ce n'étaient même pas les personnes qui assistaient à la conférence qui payaient mais le régiment de leur conjoint … alors, c’est quoi le problème ? Mon auditoire, pour lui, c'était gratuit. Où est le problème Martine ? Je te le demande ?
Je suis incapable de compter le nombre d’heures passées à chercher, lire, relire, trier, imprimer toutes les données (en deux langues) que j’ai rassemblées pour créer cette présentation. A la base, elle faisait 2h20. Avec ça, j’ai créé un diaporama, pas trop soporifique et ça, ça se réfléchit, ça se bricole (entre créations d’image et synthétisation), c’est encore du temps.
La faire passer de 2h à 1h30 m’a seulement pris 30 heures de réécriture (on ne peut pas juste supprimer des tranches, c’est pas du jambon), et je parle pas du nouveau diaporama (enfin si, j'avais refait tout le plan, fallait refaire tout le diaporama) …
À l'époque, je n’ai pas calculé combien de conférences il fallait faire pour gagner mes heures de travail au smic horaire (charges à exclure). Non, j'ai pensé bêtement que cette fille avait raison de me poser des questions, parce que je n'etais qu’une horrible personne. Sous prétexte que j'ai fait un travail, je demande un salaire en échange ? Oh mon dieu ! Mais … c’est pas ce que font 100% des salariés ? Quand j'ai eu le déclic pour faire le podcsat, j'ai re-bossé comme une dingue, des heures, pendant un mois. Je veillais. J'ai fait des bêtises, j'ai du recommencer, refaire, ré-enregistrer. J'ai même pas imaginé une seule seconde le monétiser parce que je me suis vue devoir répondre à Mamzelle-au-taquet qui allait me demander de quel droit je pourrais gagner ma vie avec mon travail. Je préfère éviter d'être suspectée de quoi que ce soit.
Quand est-ce que c'est devenu un problème les gens qui travaillent pour gagner de l'argent ?
Et là, je pointe un problème que je connais bien parce qu’à un moment, j’étais comme tout le monde. Moi aussi, j’étais méfiante, dès que je voyais un truc sympa, je goûtais gratos le matériel et je me mettais à râler en me disant « C’est payant ? Ah ben oui, pfff , son truc gratuit c'était juste pour me vendre ça derrière … évidemment ! »
Oui, et alors ? Si ça ne me plait pas, je suis libre de ne pas acheter. J'ai pas de revolver sur la tempe. Si ça m'irrite j'ai qu'à me passer de la crème.
Un jour, il se pourrait bien que je crée quelque chose qui se vende et ce, directement aux personnes concernées. Et les idées ne manquent pas, c’est juste que je veux moi-même en percevoir la valeur ajoutée. Les cotons-tiges en bambou par exemple, non.
Plus clairement, si un jour je vends quelque chose que je crée (et ça m’est déjà arrivé avec des objets que je peignais) ce sera quelque chose que je pourrais moi-même être capable d’acheter. La conférence par exemple, quand j'ai cherché si ça existait et que j'ai rien trouvé, j'aurais été prête à payer et encore plus à me rendre dans le régiment de mon mari GRATUITEMENT pour l'écouter sans suspecter la conférencière. Je vous jure, arrêtons de regarder de travers les autoentrepreneurs. Ils bossent. Juste qu'ils le font pas comme vous.
Vous avez TOUJOURS la liberté de ne pas devenir leur client même lorsque votre mail est tombé dans leur boucle : vous pouvez vous désabonner. Pardonnez-leur s'ils ont pensé que vous cherchiez quelque chose qu'ils ont trouvé pour vous ... en même temps, c'est vous qui avez cliqué.
Bref, si un jour je redeviens autoentrepreneur, j’espère que je ne devrais pas justifier le fait de commercialiser MA création ou mon idée.
Je vous propose un nouveau mantra parce qu'il parait que c'est la mode les trucs newage et les affirmations positives : je ne serai plus méfiante vis-à-vis des entrepreneurs. Je ne veux plus râler face à une personne qui veut JUSTE vivre de son travail, indépendamment, parce que c’est son droit, son idée, sa création. Ça se respecte.
Et plutôt que de me méfier de ces personnes, des gens comme moi, qui essayent de vivre de leurs idées, je préfère continuer de me méfier de mes croyances, de mes idées reçues, de mes jugements hâtifs, ou des monopoles, des marques de cosmétiques qui veulent me vendre des crèmes dégueulasses qui ne marchent pas, pour que leur directrice reste la femme la plus riche de France, des hypermarchés qui se font des marges de malade en me donnant l’impression de faire une affaire et autres gros « industriels » comme on dit, qui produisent des biens avec les bras des gens à qui ils les revendent.
A bon entendeur !
chronique humeur autoentrepreneur travail
Commentaires
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- 1. Gg Le 13/08/2021
Bonjour,
Merci pour ce bel écrit plein de sincérité, de vérité et d'humour.
C'est tout à fait normal, et je pense que l'on a tous déjà payé des choses qui on moins de valeur que votre travail.
Je vous encourage à faire ce que vous souhaitez mais penser aussi surtout à vous.
Bel été
Gg-
- lareflexiothecaireLe 14/08/2021
Coucou Gg ! Toujours un plaisir de constater que vous venez régulièrement ici :)
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