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Tout va bien !

J'ai fêté mes 46 ans en octobre et je me suis offert un abonnement annuel pour mon site internet. Bye bye publicité. Ne me remerciez pas.

J'ai écrit les 3 premières lignes de ce billet fin novembre et voilà où j'en suis. Je rentabilise à mort mon investissement, ahah ! Faut avouer qu'il n'est pas évident de poser sa voix dans tout ce vacarme.  D'ailleurs, s'exprimer dans un billet de blog a t-il encore un sens en 2024 ? Sans doute que non.

Les jours passent et je n'écris pas.

Il y a quelques semaines, j'ai eu un échange tendu avec une personne sur ce site et je me suis laissée aspirer par la négativité qui est ressortie de tout ça. J'ai eu l'impression d'être corrigée comme une enfant, alors que je m'exprimais au sujet d'un passage difficile de ma vie où j'avais déjà reçu énormément de jugements. Comme souvent, lorsqu'une personne vient me remettre en question, mon premier réflexe est de me recroqueviller puis d'accepter docilement de faire mon auto-critique. Je me prends des coups de bâton et au lieu de me protéger, je l'aide à taper plus fort. Se remettre en question, accepter de reconnaître ses erreurs, cette attitude n'est absolument pas noble, ne vous y trompez pas, elle est le fruit d'une confiance en soi bancale et jamais, ô grand jamais, elle ne m'a servi à quoi que ce soit dans la vie.

Je vais mettre de côté mon mari, avec lequel il est possible d'avoir un semblant de retour et qui n'abuse jamais de ma tendance à l'autoflagellation. Mais je pourrais vous citer plusieurs exemples de situations où, soit en interaction, soit avec du recul, à l'oral ou par écrit, je me suis remise en question et j'ai adressé le fruit de ma réflexion à quelqu'un. De mémoire : m'excuser, me remettre en question, me dévoiler,  prendre ma part de  responsabilité, m'engager à faire mieux, revenir vers le plus résistant  (parce qu'il a crié plus fort), exposer des faits pour expliquer mon attitude (en prenant garde de ne pas pointer l'autre du doigt), jamais, non, jamais cette attitude ne m'a apporté quoi que ce soit de positif. Elle n'offre à l'autre qu'une énième occasion de se draper dans sa suffisance et n'est interprétée que comme un signal de faiblesse. Un signal pour en remettre une couche ou m'achever et l'autre se dresse comme un coq, confirmé dans son sentiment de supériorité.

Dans notre monde, si tu reviens, si tu cherches à expliquer, à démêler, c'est que c'est toi qui a mal agi, si tu te dévoiles, tu donnes des raisons de te faire battre, si tu prends ta part, par magie, la sienne disparait, si tu prends des engagements, ça n'engage que toi, si tu restes calme c'est que tu es faible, si tu essayes d'être factuelle, l'autre le vivra de toute façon comme une attaque. Ce qui s'est passé sous mon billet de blog n'a pas échappé à cette règle immuable, la personne a détecté une croûte, a gratté la plaie, a relancé le saignement et n'en a rien eu à foutre du reste. Toutes mes tentatives pour réinstauré le dialogue et lui montrer ma volonté de trouver un point d'accroche ont été balayées d'un revers de la main.

Faire ce genre de bilan sur les relations humaines à mon âge, ça peut paraitre tardif mais essayez de ne pas réagir à tout ce que vous lisez de temps en temps, laissez l'autre être ce qu'il est, je sais que ce n'est pas facile. Laissez moi en parler sans me donner de conseils. Laissez moi découvrir le monde.

Alors que j'ai cette propension à creuser dans les tréfonds de mon cerveau pour essayer d'être un meilleur humain, j'ai beaucoup d'empathie et de compréhension pour ceux qui n'y parviennent pas, ou s'en carrent le cul. Donc, ça ne m'est jamais venu à l'idée d'écrire un commentaire sous un article qui ne me plaisait pas, j'ai laissé l'autre être celui qui ne me convenait pas, très très souvent. Laisser l'autre être, ça permet beaucoup de choses, de parler avec énormément de gens, c'est peut-être ça aimer vraiment. Laisser l'autre être, ne tenir aucun agenda. D'ailleurs, ça marche aussi dans les relations de tous les jours , là où on essaye de ne pas impliquer trop d'affects, on accepte juste l'autre, son contact, sa différence, l'altérité.

J'ai noté autre règle immuable : expliquer à quelqu'un pourquoi vous vous éloignez, ce qui vous dérange, ne fait que renforcer sa posture et cette identité qui vous semblait détestable. Autant passer son chemin. Il faut que je m'en souvienne la prochaine fois que j'ai envie d'alerter un con sur son état. Laisse l'autre être. Si ça ne te convient pas, écarte toi.

 

Tout va bien

Décembre s'est passé dans beaucoup de douceur et de chaleur à la maison. Depuis le début d'année 2023 et l'annonce de mes problèmes de santé, je devais me reposer et je repoussais le moment. J'ai continué mes activités, bricolages, et potager comme si de rien n'était et début décembre, j'ai sombré dans le laxisme le plus total. Ma vie se résume depuis à tenir la maison propre, faire des petits plats, lancer un feu tous les jours et le maintenir, jouer à des jeux vidéos, chanter très fort dans la maison, laver et ranger du linge, bref, une vraie vie de bonne femme des années 50. Malgré une grande expérience de l'inactivité professionnelle en général, je pense que c'est vraiment la première fois de ma vie que je m'autorise autant de loisirs et de temps à faire des choses totalement improductives. Je ne suis pas sur 1000 projets, tout est en plan. Je glande. Je n'ai même pas réussi à faire une to-do list.

Je ne sais pas dire si cela me fait vraiment du bien. Ma santé ne s'améliore pas. Je suis dans une phase d'errance diagnostique où l'on me détecte tout un tas de trucs isolés qui ne fonctionnent plus très bien. La liste des symptômes évoquent plusieurs maladies mais aucun médecin ne met un mot dessus. Depuis 3 mois, je n'ai plus demandé de rendez-vous chez le cardiologue, alors que je dois faire une échographie tous les mois. Je ne prends plus aucun traitement, j'en ai juste marre. 

Je vis une solitude intermittente ici, dans ma grande maison et je n'ai pas de projet, pas d'envie particulière. La seule chose qui m'anime c'est de penser au printemps et à la reprise de l'activité sur les extérieurs, jardin et potager. Et encore là, je ne fais rien pour le moment, j'attends. La pluie me cloue à la maison. La mare est immense, remplie jusqu'au débordement bientôt.

Depuis plusieurs semaines, j'ai des pensées négatives qui viennent que je tais. Je passe énormément de temps à jouer sur écran. Sinon, je pense trop. Je sens que je fais comme un genre de bilan, de fermeture de guichet, je me suis enfermée dans ma coquille. Au moment de l'annonce de mon problème cardiaque, j'en ai parlé à mes amis et j'ai eu l'espoir qu'ils aient envie de venir me voir pour passer du temps ensemble. J'ai parlé de ma peur de mourir, des douleurs étranges, des frayeurs que je me faisais, des nuits affreuses, de cette peur que j'avais que mon chéri ou le petit me trouve raide dans le jardin en rentrant un soir. C'était dur de parler de ma peur mais lorsque j'ai appris que j'avais ce problème, j'ai eu peur de faire un infarctus comme ma soeur, qui s'en est miraculeusement tirée il y a un an. J'avais envie de revoir tout le monde, que l'été soit l'occasion de venir me voir. J'ai pensé même que ça serait peut-être la dernière fois. Nous avons emménagé dans cette maison énorme début 2022 et la chambre d'amis est la première pièce que j'ai préparée : une véritable chambre d'hôte coquette, pour recevoir les gens comme des princes, avec des produits de bain comme à l'hôtel, des chaussons, des serviettes neuves encore plus moelleuses que les miennes. Des livres chouettes à feuilleter. Aucun de mes amis n'a daigné venir découvrir ma maison depuis que nous vivons ici, le fait que je parle de ma santé et de ma peur n'a rien changé.

Pourquoi en suis-je surprise ? Lorsque mes amis sont devenus propriétaires, j'étais contente pour eux, j'ai eu très envie de découvrir leur maison, j'ai répondu positivement à leur invitation. Je n'ai pas attendu qu'ils me sollicitent 10 fois. Leur vie m'a toujours spontanément intéressé, je ne sais pas comment exprimer ça autrement. Les voir heureux de franchir cette étape, partager avec eux du bon temps à rire et refaire le monde dans leur nouveau logement, c'était une joie. Qu'ils vivent dans des maisons ou des yourtes, je me régalais de passer du temps avec eux, de découvrir leur vie. Je me sentais privilégiée d'être invitée et d'être avec eux.

Lorsqu'il y a un peu plus de 10 ans mon meilleur ami est tombé malade, je crois que j'ai débarqué chez lui dans le mois qui a suivi. Je travaillais, j'ai posé mes RTT pour les lui consacrer. Il avait besoin d'aide pour laver sa colocation et s'occuper de lui. Il était à l'hôpital lorsque je suis arrivée, il fallait qu'il évite le contact avec les microbes, on est venu avec un autre ami et on a rangé et nettoyé sa maison. Je crois que j'ai briqué la cuisine mieux que la mienne. J'ai passé 7 jours chez lui avec beaucoup de beaux moments, car je trouvais incroyable qu'autant de gens viennent lui témoigner leur affection. J'avais abandonné mon mari, ma vie pour venir le soutenir et je ne le regrette pas, c'était ma place. Je m'en serais voulue de ne pas être là. Je voulais à tout prix qu'il sente que j'étais présente pour lui.

J'ai un sens aigu de l'amitié. J'ai des règles intérieures à ce sujet. Je suis aussi comme ça avec ma famille, même si j'essaye de plus me protéger avec les années car j'ai pris quelques bonnes claques. Je me suis donnée comme règle, par exemple, de ne pas être là uniquement lorsque ça va bien. Donc je suis celle qu'on peut appeler ou qui lit ou écrits les mails très longs et y réponds. Si une personne a besoin de moi, je ne travaille pas, je ne vais pas faire passer le potager ou autre chose avant cette personne, pour moi, elle devient la priorité. Je m'adapte, je soutiens, je suis présente si je sens que c'est le besoin, je laisse de l'air, je décode les signaux, j'écoute sans juger, je peux tout entendre sans dramatiser ou négliger. J'ai longtemps imaginé que les autres étaient comme moi mais non, lorsque je fais l'erreur de montrer un moment de faiblesse, tout le monde disparait, même mon frère, avec lequel j'ai une patience infinie, auquel je pardonne tout. C'est une personne qui pense que les énergies négatives de la personne qui va mal peuvent le polluer et lui porter malheur. Mais cela ne s'applique que pour les autres, lui, il a le droit d'avoir des coups de mous, moi, non. Je m'entends dire sinon que je suis un caliméro.

Je vais dire un truc comme ça vient, j'aurais adoré avoir une amie ou une soeur comme moi. Qui sache deviner quand j'ai besoin d'une épaule ou d'un coup de pied aux fesses (j'en donne pas souvent, car d'instinct je trouve que c'est rarement ce dont la personne a besoin). J'aurais adoré rencontrer une personne qui m'aime. Une personne pour laquelle mon existence compte. Qui ait envie de voir ma maison, de partager du temps avec moi, qui m'envoie des messages pour me dire qu'elle a pensé à moi, qui me demande si je vais mieux. Une personne qui se mette à ma place et qui se dise "Bon là, je sens qu'elle a besoin qu'on vienne la voir, J'y vais". Qui me vole dans les plumes quand je lui dis que je ne fais rien pour me soigner. Que je me laisse aller là, que je dois reprendre le dessus, que je suis importante. Vous pouvez avoir la plus jolie maison, ne manquer de rien, si vous ne vous sentez pas important pour les autres, ça ne sert à rien. Parfois, quand je suis au fond, je m'imagine mes funérailles et ces personnes qui seraient là en ne se doutant pas une seule seconde du mal de chien que j'ai eu en sentant que je ne comptais pas. Attention, ne vous méprenez pas, je me sens obligée de me justifier : je ne suis pas une personne avec des attentes irréalistes. Je comprends très bien qu'on puisse ne pas se contacter pendant quelques semaines, je ne suis pas fan des sms quotidiens, je n'attends pas des largages de preuves d'affection en continu. Je voulais juste sentir que je compte.

En catimini, dans ma tête, là, j'ai décidé de couper le contact avec mon amie. Je la connais depuis 1999. J'ai décidé de rompre sans lui dire. Je sais que c'est étrange, il y a 20 ans, je lui airais écrit une lettre en pleurant. Mais là, je n'ai pas le courage et je sais que ça ne sert plus à rien. J'ai toujours fait mon maximum pour être disponible et venir la voir. Elle l'a fait aussi. Mais depuis 2 ans, je sens que nos échanges s'espacent, je la sens indisponible (elle ne travaille pas non plus). Nous avons des différences, je sais que parfois j'ai pu être maladroite, elle me l'a dit, elle l'a été aussi. En 25 ans c'est tout à fait normal, on n'est pas des robots, mais c'est une personne que je sens profondément bonne et que j'avais envie de continuer à regarder "être". La laisser être et la voir vieillir avec moi, pas proche mais pas loin. J'ai tout de même envoyé un cadeau à son fils (mon filleul), mais je pense que ce sera le dernier pas en sa direction. Je ne sais pas comment les choses vont se passer, mais si elle me recontacte, la discussion sera inévitable car dans ma tête le processus est trop avancé. Je ne saurai pas reprendre les choses où elle les a laissées.

En attendant je ne sais plus trop quoi, je joue à me perdre dans des jeux. Je suis fatiguée comme si je ne dormais plus depuis des mois. J'aimerais avoir la force de faire un pas pour moi, vers moi, vers plus de douceur et de soin envers moi-même. Je m'en veux d'être malade, d'être si triste, je m'en veux de gérer si mal la solitude. Il serait temps de mettre en pratique ce stoïcisme tant étudié.

En écrivant cette complainte (oui, encore un peu de mépris pour moi-même), je pense très fort à mon mari. C'est peut-être la seule personne qui mérite tout ce que j'ai donné pendant 46 ans aux autres et il m'arrive de ne pas faire attention à lui. Je crois que c'est la première fois que j'ai autour de moi quelqu'un qui me laisse être. Qui me laisse être juste moi. En ce moment, il me laisse être une épave, un fantôme, fatiguée. J'enchaine toutes les maladies de l'hiver et lui,  dans le plus grand des calmes et il me laisse être, il m'écoute, il est là, il fait chauffer de l'eau pour la bouillotte, il est là toujours aussi beau et patient. J'ai une chance infinie de l'avoir rencontré. Tout n'est pas noir dans cette vie, tant que je l'ai lui. 

 

 

 

 

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